Samedi soir
"Oh ! Mais il a bougé, mon dévédé" s'exclame la nounette occupée à sélectionner le dessin animé du soir.

Effectivement, les DVD Pixar ne sont plus dans la colonne dédiée à la collection privée de la nounette. Ils ont migré dans la colonne adjacente, plutôt réservée à l'ours.

(il y a 4 colonnes de DVD dans le séjour : mes films occupent ½ colonne, la nounette sature une colonne entière et l'ours répartit ses possessions sur le reste de l'espace, pour le plus grand plaisir de la poupette qui s'éclate régulièrement à vider le bas des colonnes).

Incident diplomatique. Quelqu'un a touché aux dévédés de la nounette. Rha.

Ca c'est pas moi : c'est sûrement un coup de l'ours - qui optimise le rangement de l'appartement en permanence.

"Quelqu'un l'a mal rangé, c'est pas bien" sermonne mini, "il faut le remettre à sa place". Elle rectifie l'anomalie, concentrée.

Son père arrive (ah oui, c'était bien lui) et grogne dans son dos "non mais ce sont tes DVD, ma nounette, mais ce sont aussi un peu ceux de papa …" (alors là il rêve, l'ours, s'il veut faire gober à sa fille que ses DVD ne sont pas à elle - sous le prétexte fumeux que son père les a achetés pour lui-même avant qu'elle ne soit née).

Sous le regard candide de son aînée, l'ours bafouille, il tente encore un argument "regarde, je les ai rangés là parce qu'il faut bien faire de la place … sinon on ne pourra plus ranger de DVD … on ne pourra plus t'acheter de DVD si on n'a plus de place …"

"Si" pointe la nounette pas désarçonnée pour un sou, "il reste de la place, là" (elle montre un espace d'1cm de hauteur) "et là, mais je suis trop petite" (elle se hausse sur la pointe des pieds, il reste une fente de 2,5cm au sommet de la colonne.

L'ours tente encore quelques arguments mais la nounette se désintéresse et revient au choix de son dessin animé du soir. La démonstration de mini est d'une logique implacable : l'ours l'admet dans un regard vers maman-en-or tordue de rire … il a perdu.

Il reste 3,5cm de place dans les dévédés de ma nounette. Je me demande si on va réussir à caser Bernard & Bianca et le Roi Lion ou si on doit chercher d'autres idées de cadeaux de Noël ?

Dimanche début d'après-midi

On a laissé les mouflettes dans le séjour, la nounette devant Bouba et la poupette occupée à coller les gommettes de sa frangine sur le parquet. Et en bons parents indignes, on s'est allongés sur le futon, l'ours avec sa BD, moi avec mon livre.

Pffffft pffffft pfffft

On devine chacun le sourire de l'autre.

Pffffft pffffft pfffft, frottement ...

On se regarde, on fait mine de lire mais on se marre déjà

Pffffft pffffft pfffft velours d'une grenouillère qui glisse sur la moquette.

On craque et on se penche en avant tous les deux en guettant par la porte entrebaillée …

… le visage réjoui de la poupette, qui a rappliqué en traversant l'appartement de toute la vitesse de ses fesses, et ravie de son effet nous dédie son sourire le plus radieux.

Allez mon trésor, tu as raison, on lira plus tard.

Dimanche fin d'après-midi

Pour les photos destinées à son cahier de vie, ma nounette s'est fait faire des couettes.

Ma nounette est très coquette.

Elle adore les nouvelles tenues, les coiffures (pinces, barettes, élastiques) et les compliments.

Elle vient de se choisir une doudoune pour cet hiver, rose vif avec des boutons étincelants, elle ne voulait plus l'enlever. Une vraie petite fille avec sa doudoune et son jean …

Elle raffole des couettes. Elle ne se plaint jamais pendant que je m'efforce de la coiffer sans lui tirer les cheveux (pas simple, ils ne sont pas encore très longs). A peine ai-je posé laborieusement le dernier élastique que la voilà plantée le nez devant une glace, à virevolter, prendre des poses, s'examiner sous tous les angles, rayonnante quel que soit mon niveau de ratage.

"Oooooh, je suis très belle. J'aime beaucoup, maman".

Et elle file se faire admirer et complimenter par son père (vas-y ma nounette, éduque-le).

Ma nounette est au lit, elle s'est endormie. Avec quelques milligrammes de fil en plus.
Oui, on revient des urgences.

Ce matin, dans le bain, elle m'expliquait que les bébés sortaient du ventre à l'hôpital (oui, à la maternité, comme Justine et Thomas) et me demandait si elle était allée à l'hôpital (oui, une fois tu t'es blessée au sourcil) ...

Je ne pensais pas qu'elle reverrait si vite l'hôpital de sa naissance et de l'épisode de l'arcade sourcillière ouverte.

En milieu d'après-midi, nous étions sur le départ pour aller à la mairie - et sur le toboggan du square en face.
Dans le couloir devant la porte de l'appartement, la poupette était prête dans sa poussette, la nounette était tellement intenable que, après avoir rappelé les règles de comportement dans la rue et à la mairie, j'ai grondé en précisant que je ne l'emmènerais pas au square si elle ne se calmait pas. (Dans ces cas là, elle est tellement excitée que c'est un coup à ce qu'elle se blesse.)

Oups, les lunettes de soleil ...
je suis retournée en coup de vent attraper les lunettes sur la table
j'ai entendu la nounette hurler

et là, après une journée à l'entendre crier, hurler, couiner, m'appeler à chaque fois que je commençais quelque chose - en concurrence avec sa soeur qui mouinait et m'interrompait - je me suis arrêtée et j'ai respiré par le ventre pour contenir mon exaspération. Ellemegonfle ellemegonfle ellemegonfle.
Bon, les lunettes en main, je suis revenue sur mes pas
et là à l'entrée de l'appartement,
ma nounette assise sur ses fesses, en larmes, la lèvre ouverte, la bouche en sang.

Le chambranle de la porte (l'endroit le plus dur de l'appartement, à part le carrelage) était maculé de sang. La jupe de la nounette aussi.
Impossible de regarder l'intérieur de la bouche de ma nounette, j'ai lavé du mieux que j'ai pu, j'ai fini par discerner dans la masse sanguinolante à l'intérieur que les dents étaient toujours en place ...
Appelé le médecin, orientée vers le 15, le doc de permanence conseille d'aller directement aux urgences "si la lèvre est ouverte il faudra un point de suture".

Pour des raisons techniques (tél portable bloqué) j'appelle l'ours avant de partir. Il lâche tout et rapplique en 10 minutes - heureusement, parce que la poupette vient de décider que tout ça est trop pour elle, qu'elle est crevée, et hurle de fatigue. En stéréo de sa soeur qui a mal, malgré le doliprane administré, et hurle à cause du choc.

A l'instant où la nounette voit son papa, elle se calme.
J'essaie de reconstituer : apparemment et malgré mes injonctions, la nounette a piqué un sprint dans le couloir et a tourné la tête pour regarder sa soeur - et s'est donc pris le chambranle de la porte d'entrée à pleine vitesse ...

Nous n'avons quasiment pas attendu aux urgences, vite orientées par l'infirmière de l'accueil "oui, on prend les petits traumas, oui il va bien falloir un petit point de suture). Vite accueillies dans un box.
L'interne contacte Necker pour demander s'il est utile que nous allions les voir (on connaît le chemin ) vu qu'une partie de la gencive est sectionnée. La réponse est que le morceau sectionné va soit se ressouder (j'espère) soit tomber et probablement repousser (j'espère).
Il faudra aller voir un dentiste rapidement, en attendant on va recoudre la nounette. Très sage et très courageuse, ma nounette, qui serre bien fort son Maiou, écoute attentivement, et ne bronche pas quand on nettoie sa bouche.

A ce stade, tout se passait bien, on voyait la tour Eiffel par la fenêtre (la nounette adore la Tour Eiffel).

Pour les points, c'était plus problématique. L'anesthésie locale fait un peu mal, et impossible de mettre un masque avec de l'oxygène pour faire planer la  ... vu que le masque couvrirait la lèvre. L'externe appelle sa patronne à la rescousse, mon petit fauve est perçu comme un problème "à cet âge ils ne sont pas faciles à recoudre" ...

Eh bien ça a été barbare.
Une pulvérisation d'un produit légèrement anesthésiant dont le goût infâme fait cracher la nounette, un masque en papier sur le visage de la nounette avec juste un trou au niveau de la plaie à recoudre
l'aiguille anésthésiante plantée à vif dans la peau
je demande si je peux prendre ma fille dans mes bras le temps qu'elle se calme
l'interne répond qu'elle ne se calmera pas.
On n'est pas dans le même camp. Moi j'entends ma nounette hurler et tenter de se cabrer, supplier qu'on arrête, crier que ça fait mal. Et l'interne répond que non, ça ne fait pas mal, c'est juste qu'elle sent la piqûre - mais pas la douleur.
Elles sont courtoises et très compétentes, ces médecins, mais je ne peux pas m'empêcher de penser, qu'est-ce qu'elle en sait, cette conne ?.
C'est pas bien de penser ça. Mais bon, après tout je suis juste à quelques mètres de l'endroit où on m'a expliqué il y a presque 3 ans que les points de suture de ma césarienne ne pouvaient pas me faire mal.

Ma punition de mère infoutue de protéger sa fille
(c'est le deuxième accident en 15 jours : pendant la RIM la nounette avait mis la main dans le pédalier pendant qu'Emma appuyait sur les pédales, bilan un doigt un peu troué, rien de grave mais belle frayeur)
aura été de devoir lui maintenir les coudes et les genoux, aux premières loges pour voir l'intervention et la détresse de ma toute petite

Ma nounette est traumatisée. On file retrouver le papa, qui l'emmène faire un tour dehors pendant que j'attends les ordonnances.

et dans le planning des vacances pas encore bien bouclé, va falloir caser une infirmière pour retirer les points.
dentiste le plus vite possible - ma pauvre nounette au si joli sourire ...

C'est la deuxième fois que je laisse passer quelques instants avant de réagir aux cris de ma nounette. A chaque fois, c'était justement quand elle s'était réellement fait mal.

Pardon mon trésor.