"Maman, est-ce que c'est vrai que le Père Noël il n'existe pas ? "
...

Paf, ma nounette me colle au mur sans crier gare, entre le fromage blanc et le Shokobon. Juste au moment où il faut courir pour retourner à l'école. Pour une fois que je vais les chercher pour déjeuner (c'est mon dernier vendredi de 4/5ème, ensuite mon temps partiel est annualisé).
"Euh, qui t'a dit ça mon trésor ?"
Gagner du temps, tout en réfléchissant très vite à ce que je vais répondre.
Il faut dire que la meilleure copine de ma nounette a confronté sa mère il y a 10 jours, a exigé la vérité, et pleuré toutes les larmes de son corps en l'apprenant. Alors c'est un peu crispant de penser à ce qui nous attend peut-être.
Pas que la question me surprenne, hein. La nounette a 7 ans, après tout. Je ne pensais pas qu'elle aurait encore un Noël avec le Père Noël, mais jusqu'ici elle ne semblait pas s'interroger. C'est une enfant pleine de curiosité, mais encore dans le monde un peu magique des premières années d'enfance. Elle doit être l'une des dernières CE1 à croire encore au Père Noël ...
Déjà, on était bien contents qu'elle perde ses premières dents pendant que la petite souris existait encore, on a cru qu'elle ne les perdrait qu'en CE2 ...
(pour celles qui suivent : eh oui, une nouvelle étape de franchie, mon petit mammifère passe à la dentition définitive pour 2 dents du bas !).
Soit dit en passant, c'est aussi bien que ça prenne du temps à sortir, parce que vu comment l'animal enchaîne les cascades et autres gamelles à l'école, tant qu'elle n'a pas de dents définitives on n'a pas peur qu'elle se les pète.
Pour en revenir à son questionnement, je m'étais toujours dit que je lui renverrais la question. C'est bien, ça, retourner le questionnement. Ca l'oblige à réfléchir, et à énoncer elle-même la conclusion définitive (ou pas). Bien, tiens, je vais tenter ça.
"C'est M et C, qui disent que le Père Noël n'existe pas.
- Et toi, tu en penses quoi ? (ha-ha)
- Ben je sais pas.
...
Alors, maman, c'est vrai ?"
Raté, pan dans ma face.
"Et maman, est-ce que c'est vrai que c'est les parents qui font les cadeaux à sa place ?"
Rouge, perd et passe. Je hais M et C.
Et voilà que la poupette s'approche, intriguée par cette histoire comme quoi le Père Noël ... STOP ! C'est une chose de ne pas leur mentir, c'est autre chose de casser tout cet univers avant l'heure.
"Ma nounette j'aimerais qu'on prenne un peu de temps pour en parler, toutes les deux, entre grandes. Alors tu me reposes la question ce soir, en rentrant de l'école, et je te promets que je te répondrai ".
Je voulais surtout éviter de perturber la poupette, qui va essuyer dans 10 mois le tir nourri du bizuthage d'entrée de CP "alors tu y crois, toi ?" ... Sa foi dans le Père Noël a peu de chance d'y résister : laissons-lui un dernier Noël un peu magique à elle aussi.
Cela étant, ça m'a permis de gagner du temps, ce qui était appréciable. Parce que je ne veux pas lui mentir frontalement, moi, à ma nounette. D'un autre côté j'ai bien aimé l'accompagner dans ses rêves autour du Père Noël, et je n'ai pas envie de les casser. Comment savoir s'il est préférable de lui dire la vérité ou de la laisser rêver encore quelques mois ?
Le soir, comme promis, je l'ai emmenée avec moi, on s'est isolées dans la chambre parentale. Et on a causé. Elle a reposé ses questions. Et sur une impulsion issue de ma réflexion l'après-midi je lui ai expliqué que le Père Noël, il existe tant qu'on y croit. Et qu'après, oui, ce sont les parents qui prennent le relais.
Ma nounette a réfléchi, la réponse lui plaisait bien.
Il faut dire qu'elle a le mérite d'être sincère, et, je crois, plutôt vraie.
Ma nounette est repartie en sautillant animer ses figurines dans le monde parallèle créé avec ses frangines. Au bout de quelques minutes elle est revenue :
"Mais maman, si on arrête d'y croire, au Père Noël, mais qu'on ne le dit pas aux parents, comment ils peuvent savoir qu'on a fini d'y croire ? et que c'est à eux de faire les cadeaux ?"
T'inquiète, ma nounette. Si tu me demandes ça, c'est que tu y crois encore. Il sera toujours temps de comprendre à qui tu fais ta liste de voeux. En tout cas, je suis bien contente que tu aies pu faire ton choix - apparemment celui de croire encore un peu.
Et j'avoue, je suis bien contente que tu aies gardé une place à ce bon vieux Père Noël. Même si c'est une vraie galère d'affecter tes voeux discrètement aux nombreuses personnes qui te gâtent sans que tu le saches encore.
L'enfance magique des fées, des elfes et du Père Noël, c'est un vêtement qu'on ne garde jamais assez longtemps, on y est à l'étroit toujours trop tôt, et on en regrette la chaleur, après. Alors profite.
Comme la poupette, qui juste avant les vacances d'été m'a raconté, émerveillée, qu'elle avait vu une fée en se promenant avec le centre de loisirs. Une vraie, c'est L. (l'animatrice) qui lui a montré, et elle l'a vue.
Et à chaque fois que j'y pense, je ne peux pas m'empêcher de me demander, est-ce qu'elle en a vraiment vu une ?
J'aimerais bien remettre ce vêtement là, parfois.
En attendant, cette année encore je vais acheter le rouleau de papier cadeau secret, celui qui ne ressemble pas à ceux qu'on a déjà à la maison, pour ne pas griller trop tôt le vrai Père Noël.