En ce moment, ma nounette refuse farouchement de mettre des pantalons.
Une fois épuisé le stock de robes, si je n'ai pas eu le courage de faire une lessive à temps, je passe aux jupes, ce qui me vaut des protestations vigoureuses : la nounette VEUT des robes.
Compter 10mn d'argumentation pour démontrer qu'une jupe c'est comme une robe mais en deux pièces.
Il arrive que je manque de temps ou de patience, ou encore que la température soit si basse que même avec un collant, je lui enfile un pantalon.
"Mais je suis un garçon" se lamente-t-elle alors, désespérée.
Au début, je lui expliquais patiemment que non, qu'elle était une jolie petite fille.
Un dimanche j'ai même souligné que son pantalon était rose, et que les petits garçons ne mettaient pas de pantalon couleur fushia ...
La nounette s'est éclipsée, et avant que j'aie compris qu'elle partait vérifier, elle est revenue en accusant "mais papa il est nu des jambes !" (cette manie de
l'ours, aussi, de rester en caleçon-pyjama à la maison ...).
J'ai donc enquêté pour savoir ce que ma nounette appelait un garçon.
Un garçon, c'est un enfant qui porte un pantalon.
Une fille, ça met des robes, des barettes et ça peut jouer à être une princesse.
Ok, je comprends mieux.
On a un peu discuté, et on est tombées d'accord pour dire qu'en plus, les garçons quand ça grandit ça a une barbe qui fait piquer les joues comme papa, et que les filles ça a des nénés comme
maman, et les nénés c'est que pour les bébés qui tètent (l'ours, absent, n'a pas émis d'avis sur le sujet), les grands ils ont un biberon, et ma nounette
quand elle sera grande elle aura un bébé dans son ventre comme maman (oui bon c'est pas urgent non plus).
Bon, ma nounette n'est pas trop capricieuse - du moment que c'est une robe ça lui va - elle est donc habillée en robe et collants tous les jours ... mais récemment, la nouvelle vague de
froid m'a amenée à lui remettre un pantalon.
Drame.
"Mais maman, je suis un garçon !!" a soupiré ma pauvre nounette au bord des larmes.
A peine si un joli t-shirt Dora rose avec un gilet à paillettes ont réussi à la consoler.
Alors le lendemain, quand en voyant le pantalon elle m'a posé la question directement "mais maman, pourquoi je suis
un garçon ?", j'ai répondu directement.
Mon trésor, tu ne seras jamais un garçon, même si tu mets un pantalon. Tu es une petite fille. Les petites filles, elles ont une vulve, et puis quand elles grandissent elles ont des seins comme
maman, et puis parfois elles peuvent avoir un bébé dans le ventre. Les garçons, ils n'ont pas de vulve, ils ont un pénis (et plein de poils). Toi tu as une
vulve et pas un pénis donc même si tu as un pantalon, tu es une petite fille.
Ma nounette a acquiescé.
Elle préfère quand même les robes.
J'ai prévenu l'ours que j'avais un peu expliqué certains détails (après tout on est dans la période oedipienne, hein).
Il a grogné "ah bravo, tu aurais pu utiliser d'autres mots, c'est pas très poétique".
Beuh.
Moi j'ai cherché pendant des mois comment désigner la vulve, à l'époque où j'aprenais à la nounette à se laver seule ... j'ai navigué entre tous les petits mots, demandé à mes copines - et
puis finalement Dolto m'a expliqué que le mieux c'est encore la vérité et un langage précis, donc j'ai choisi le mot anatomique. Du coup, je fais pareil pour le corps masculin.
Je ne vois pas en quoi c'est moins poétique que "aisselle", "rate" ou "scrotum" ?
Tout ne peut pas être aussi joli que ménisque ou astragale.
Enfin l'ours m'avait mis le doute. Après tout, au quotidien, je ne dis pas "sein" je dis "néné" ...
Peut-être j'aurais dû utiliser les petits noms courants ?
Bon la prochaine explication, c'est dit, c'est l'ours qui s'y colle.
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"Tu veux du jambon blanc ?" demande ce midi l'ours à la nounette, qui découvre pour la première fois les joies de la raclette.
"C'est quoi du jambon blanc ?" interroge alors la nounette, pétrie de curiosité.
"Eh bien c'est vrai qu'il est un peu rose" concède son papa, observant d'un oeil nouveau le camaieu de roses de l'assiette de charcuterie . "On dit du jambon blanc ..."
(on entend les neurones de l'ours qui pédalent)
"C'est comme ça", conclut l'ours, à la nounette.
Voilà, il a raison, la poésie, c'est plus clair.