Oui je sais, c’est pas vivant une machine à laver.
Elle ne se rappelle pas vraiment, ma machine lavante-séchante, le jour où on est venu l’installer dans le premier appartement que j’avais choisi en emménageant dans ma nouvelle région.
C’était un petit deux-pièces, un peu biscornu comme je les aime, avec une mezzanine très mansardée au-dessus du séjour, sur laquelle j’avais fait monter mon lit. J’ai arrêté d’y dormir après la mort de mon chat, parce que les souris ont trouvé une ouverture et ont commencé à venir visiter.
Et puis l’ours est entré dans ma vie et il n’aurait jamais réussi à y tenir assis.
Je l’aimais bien mon petit appartement en désordre, aux volets trop vieux mais à l’intérieur « refait à neuf » par des ouvrier qui avaient salopé le travail. Encore, les poignées de portes montées à l’envers, ça j’avais su m’en débrouiller, mais l’arrivée d’eau trop près du mur pour réussir à visser le tuyau de la machine, je ne m’y attendais pas. Trop tard, l’engin était livré …
Ma machine a donc été reconvertie en guéridon pendant 1 an, devant le comptoir qui délimitait l’espace entre la minuscule cuisine et le petit séjour. Le chat grimpait dessus pour pouvoir atteindre les barreaux en haut de l’échelle et arriver plus rapidement sur la mezzanine.
Et puis il y a eu l’ours, et il y a eu le SMS où il me proposait de faire des roulades dans le parc près de chez lui, et puis il y a eu lui-et-moi. Et la machine est allée prendre sa vraie fonction dans son appartement à lui, tandis que moi, je continuais à passer 2h par semaine au lavomatic et déposer mes draps au pressing (à l’époque ils étaient bien pliés !).
Et puis il y a eu nous, nous 3, dans un nouvel appartement bien fonctionnel, plus du tout biscornu, mais de plus en plus peuplé. Beaucoup de mes meubles ont disparu, il a fallu faire des tris.
La machine, on l’a gardée, elle a même vu arriver un lave-vaisselle avec la 1ère prime de naissance. Et elle a continué à tourner, de plus en plus souvent.
J’ai ravalé mon écologie et branché régulièrement le sèche-linge, pour venir à bout des draps, des couettes, des serviettes …
Elle a tenu bon, ma machine, elle a vu les bodies, les inserts et les couches, les premières petites robes. Elle a revu les bodies, les premières robes cousues main, les changements de taille de ma garde robe, les changements de mode aussi. Les déguisements, une dernière série de bodies, les tailles de vêtement qui montent ... Les lessives qui s’enchaînent à un rythme de plus en plus soutenu, les saisons qui passent avec les taches d’herbe et puis de boue, et puis d’herbe à nouveau, de chocolat chaud ou de glace au chocolat …
Ca fait deux fois qu’on fait venir le réparateur. Elle fait des bruits bizarres en tournant, ma machine, quand elle rince et essore ça dégage une drôle d’odeur. Et il n’y a plus de fonction sèche-linge.
L’affaire des poux a été l’occasion de trop, les draps pendaient à toutes les portes, le linge s’entassait au pied de la machine qui a tourné vaillamment, sans relâche, mais en couinant de plus en plus pitoyablement.
Alors hier soir j’ai fait une dernière lessive, le temps de lui dire adieu, et puis on va venir la reprendre et en installer une neuve. Une machine qu’on a choisie à deux, qui répond aux attentes fonctionnelles de l’ours, à mes exigences, qui s’intègrera dans notre appartement, et qu’on a payée ensemble. Ce ne sera plus la mienne : ce sera la nôtre. A l’heure où j’écris ces lignes, on doit être en train de l’installer.
C’est que du plastique, du métal et des câblages, ma machine, mais ça me fait quelque chose.
Menfin, quand la tuyauterie ne fonctionne pas, il faut s’en défaire, n’est-ce pas.
Je compatis. Pleinement.
Adieu ma machine, un petit bout de vie avec toi et c’est passé.
Tu m’as connue célibataire, tu me quittes mère de famille nombreuse. J’espère qu’on ne va pas t’envoyer à la casse mais te donner à un de ces magiciens qui saura te réparer et te permettre de rendre service à un autre foyer.
J’aime pas les adieux.
En ce qui concerne ma propre tuyauterie, bonne nouvelle, pas de caillou coincé, on peut se concentrer sur une seule intervention.