Peut-être que la vie est faite de périodes.
Comme le pointait joliment ma copinaute Karine après la naissance de sa petite 4ème (!), il y a peut-être un temps pour être amoureux
collés, un temps pour être parents de bébés, un temps ensuite pour se retrouver, soi-même et en couple ...
L'époque des bisous-dans-le-cou du Choupinours est assez lointaine, ça fera bientôt 5 ans (il me pressait mon jus d'orange et mettait
des bougies autour de la baignoire !). Aussi lointaine que l'époque où je faisais poser un masque sur mes cheveux, pendant que je retouchais le vernis de mes ongles de pieds, en feuilletant un
magazine. Presque aussi lointaine que l'époque où l'ours fendait l'air sur sa moto (qu'il a vendue depuis faute de l'utiliser, je n'ai rien demandé mais je suis soulagée).
Où on regardait ensemble les catalogues de voyages en hésitant, traverser l'Afrique ou juste les parcs animaliers ? la Jordanie, cette
année ou la suivante ?
Avant, je dormais, même plutôt bien.
Avant, j'étais intelligente, je lisais plein de livres, je faisais des études. J'avais une carrière et je partais en mission sur
d'autres continents, dans d'autres hémisphères.
Je sortais le soir, j'avais une vie sociale, je voyais les films avant la sortie en DVD, j'achetais l'Officiel des Spectacles et
j'étais abonnée à Tickenet. C'était l'époque où les boîtes empestaient la cigarette, masquant l'odeur de la sueur (yeah).
Je faisais du sport, je m'habillais avec attention. J'écoutais de la musique.
C'était le temps d'avant, quand j'étais au centre de ma vie.
J'y pense parfois, je ne le regrette pas. Avant, je rêvais à ce que ce serait maintenant. Et j'y suis.
Depuis bientôt 5 ans, c'est le temps des bébés.
Plus on a de bébés, plus on se demande comment on pouvait être déjà débordés avec un de moins ?
L'appartement est un capharnaüm, l'ours tenant à distance de toute son énergie le bazar moufletien qui enfle chaque jour et ramène
inlassablement les playmobils au milieu du séjour comme le ressac ramène les algues sur la plage.
Les matinées sont maigres. Surtout le week-end où on se traîne pour nourrir les fauves affamés - qui viennent nous déloger le matin
"maman, le mouton il est debout" (réveil-mouton, NDT, interdit de se lever tant qu'il y a l'image du mouton qui fait dodo ).
J'ai une cicatrice qu'on ne voit pas, et 8kgs de bourrelets qu'on voit bien.
Je ne me sens plus jamais seule aux toilettes.
J'ai des dessins de princesses à afficher au boulot.
J'ai 3 boulettes qui se précipitent vers moi quand je rentre le soir
...
... et je ne parle que d'elles.
Elles emplissent ma vie, elles la font scintiller, elles lui donnent un sens.
Et j'en redemande.
Ma vie à moi, ma vie d'avant, ma vie qu'elles ont transformée, ma vie est passée entre parenthèses.
C'est une période. Il y en aura d'autres.
Et justement, avec l'école sont arrivées les copines-voisines-mamans d'élèves.
Celles avec qui on se raconte nos histoires de mouflets, on compare les médecins, les instits, les baby-sitters, les jouets
d'éveil ... on copie les bonnes pratiques, on papote.
On a un nouveau réseau.
On recommence à parler de spectacles (OuiOui ou Blanche Neige et les Sept nains ?) ou de
cinéma (Samy la Tortue : les lunettes 3D ça va pour les tout-petits ?).
Et mes copines, elles ont des enfants un peu plus grands. Elles revivent. Elles matent des séries TV. Elles ont un style vestimentaire.
Elles font de la gym.
Elles se désolent, on ne peut pas me laisser comme ça.
Ca commence par le coiffeur où on m'accompagne la veille de ma reprise du travail - coupe Dessange, s'il vous plaît (avé le fauteuil
qui masse le dos pendant le shampoing).
Ca continue avec une ordonnance de l'ophtalmo pour changer la monture de mes lunettes, et puis l'adresse d'un dermato pour faire épiler
ma moustache (bouh le complexe), tout ça va bien finir par aboutir.
Et puis il y a une blouse qu'elles m'offrent pour mon anniversaire, en m'expliquant comment l'ajuster et avec quoi la mettre.
Et puis il y a les soldes.
La veille, les copines m'ont pilotée pour faire des repérages.
Je ne peux pas dire que ça m'enthousiasmait. Menfin j'arrête de croire que je vais réussir à perdre
ce surpoids. 14 mois de régime sans y parvenir, tant pis, je me refais une garde-robe - et si l'an prochain c'est trop grand, je ne serai même pas mécontente !
J'ai posé une demi-journée, et je me suis laissé guider. L'objectif des filles était de me "moderniser".
C'était un grand moment, 3h chez Zara, Pimkie, H&M ... je vous fais le script :
"Ma chérie, cet imprimé c'est pas possible ça ne te va pas du tout !! pourquoi ? mais parce que ! tu es brune, c'est pas possible.
Regarde c'est terne, c'est pisseux, tu ne le prends pas mal hein mais ça ne te va pas ! Tiens regarde ça c'est joli, et puis faut de la couleur ! et regarde, ça c'est fluide, c'est agréable,
c'est quand même beaucoup plus moderne que tes tuniques bobo. Et tu ne le prends pas mal, hein, mais tu vois quand tu mets la ceinture là ça cache ton ventre, faut pas mettre la ceinture là sinon
ça le souligne, parce que tu ne le prends pas mal hein mais bon c'est vrai qu'il est un peu rond, faut tout miser sur tes jambes, viens on va te chercher des chaussures".
C'était classe, hein ? je sais, j'ai du bol. Toutes mes autres copines sont jalouses.
C'est le temps des mamans.
Et maintenant que la choupette nous a fait 5 nuits d'affilée de 21h à 6h - même si là c'est fini
- on sent qu'on va pouvoir revivre (pis entre l'éclosion de pois roses, les dents qui affleurent et les oreilles qui la chatouillent on se dit que c'est
juste un souci de santé ... normal : ça fait 8 jours qu'on a arrêté les antibios, statistiquement elle devrait retomber malade).
Alors voilà, je suis habillée (et pas juste vêtue à la diable), je suis coiffée, je suis chaussée ...
Et hier, on avait expédié la grande à un goûter d'anniv (c'est toujours 3h de gagné avec seulement 2 mouflettes), on est allés faire
des courses (en famille, le pied).
Et paf : je me suis surprise à acheter une râpe pour mes pieds (admirez la transition : ça se voit que
j'ai dormi ?)
J'ai râpé, j'ai massé avec de la crème exfoliante, c'est pas encore tout doux mais c'est mieux.
J'ai les ongles des pieds vernis (si, si ! ok, c'est le vernis des filles, rose nacré qui sèche en 40
secondes - c'est comme ça qu'on a découvert que la poupette savait compter).
J'ai des livres que je lis.
La machine à coudre prend un peu la poussière, mais je suis sur d'autres challenges.
C'est le temps des mamans.
C'est mon temps à moi. La parenthèse clignote. C'est pas fermé, et je n'ai même pas hâte.
Je vous ai parlé du passé.C'était bien, ça m'a donné le temps de me construire. C'est
passé.
J'attends parfois un peu de la liberté que peut-être me donnera le futur.
Mais je savoure mon présent.
Elle est chouette, ma vie.
Et surtout depuis quelques jours, depuis que j'ai le sentiment qu'à présent, je la conjugue aussi au temps des mamans.